Styliste, costumière, photographe, entrepreneure : Maguette Gueye incarne une créativité plurielle. Malgré les difficultés, elle continue de tracer son chemin dans un secteur où les femmes, malgré leur nombre, peinent à accéder à la pleine reconnaissance.
Maguette : du style entre les mains
Donnez lui n’importe quels tissus, elle va en faire une découpe impeccable. Parmi les tissus froissés de son atelier de Thiaroye, à deux pas de la route de Rufisque, Maguette Gueye coupe, assemble et ajuste. Costumière de cinéma et créatrice de mode, elle s’affaire avec une rigueur tranquille. Silhouette fine, regard franc, elle incarne cette génération d’artistes sénégalaises qui redessinent les contours de l’élégance contemporaine africaine. Le monde est vaste, dit-elle, mais c’est ici, dans la poussière de Dakar, qu’elle façonne des rêves avec du fil, du wax et beaucoup d’intuition.
Maguette : portrait d’une battante
Maguette est née entre deux héritages : un père militaire et une mère couturière. De ces deux univers, elle tire une esthétique où la rigueur du vêtement d’uniforme côtoie la sensualité des étoffes traditionnelles. Sa collection qui s’inspire des tenues militaires – veste structurée, coupes franches, tons sable et kaki – ne parle pas que de guerre. Loin de là. Elle raconte aussi la mémoire, l’identité, et surtout la transmission. Maguette, à travers ses créations, dessine la carte des conflits qui traversent l’Afrique, le Sénégal parfois. Dans ses créations, il y a cette volonté de faire de tout ce qu’elle voit matière de création. En effet, c’est sur les bancs du collège que la passion naît. À cette époque, elle s’amusait à relooker ses professeurs, à réinventer les uniformes. Depuis, l’atelier a remplacé la salle de classe. Après une formation à l’École nationale des arts de Dakar, elle travaille comme modéliste, puis se lance en 2012. C’est alors que deux marques voient le jour : MAAGCI, pour le prêt-à-porter contemporain, et La Penderie de Maam, qui remet à l’honneur les costumes traditionnels sénégalais, disponibles à la location.
De Dakar à Paris, un défi perpétuel
Son parcours est marqué par une volonté de franchir les frontières. En 2013, un premier défilé à Marseille, dans le cadre de la Capitale européenne de la culture, est à la fois une consécration et une douche froide. Débordée, mal accompagnée, frustrée par une organisation défaillante, elle va en garder un goût amer. Mais aussi une certitude : la mode sénégalaise a sa place sur les podiums européens. Cela va la remotiver. Elle débarque à Paris, les valises pleines de créations dans le métro, l’hébergement précaire, le vol raté pour Dakar… L’histoire ressemble à celle de beaucoup de créateurs venus du Sud : des rêves de reconnaissance face à des systèmes souvent clos. Pourtant, Maguette s’accroche. Elle ne lâche rien. Elle se forme, s’ouvre davantage à l’international. En 2014, elle reçoit une réponse de la Chambre syndicale de la couture parisienne. Mais les 7 000 euros nécessaires pour suivre une formation restent hors de portée. Alors elle rentre à Dakar et continue sur sa lancée.
Atelier, cinéma et scènes locales
Dans son atelier, ses mains tracent des lignes sur le tissu, sculptent le vêtement à même le corps. Elle habille les artistes locaux, façonne des costumes de scène, participe à des défilés comme le Sira Vision, tout en dénonçant le manque de retombées concrètes pour les créateurs. Le spectacle “Birima” de Youssou N’Dour porte sa signature, tout comme des séries primées ou encore Tundu Wundu de Moussa Sene Absa. Et puis, il y a la photographie. Longtemps réprimée, cette passion l’a rattrapée. En 2017, elle saute le pas : retour à l’École des arts, section photo. Un an d’apprentissage, et la voilà armée pour capturer les matières, les visages, les gestes. Car la création et l’image, c’est en somme un tout.
Maguette : une vision
Ce qui frappe dans les créations de Maguette Gueye, ce n’est pas seulement la coupe ou le motif. C’est une certaine forme d’intensité, une densité du regard, une manière d’observer la ville, ses corps, ses douleurs, ses fêtes. Elle rêve de voir sa marque MaaGuette portée dans les grandes capitales, mais sait que tout part d’ici, de l’Afrique, précisément de Dakar. Maguette veut séduire les femmes influentes, les femmes de talent et de conviction qui brillent dans les mariages chics ou les dîners d’affaires. Aussi, ses créations vont au-delà du continent. Elle avance. À sa manière. Avec patience.






