samedi 22 novembre 2025
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SÉNÉGAL – Dip Doundou Guiss ressuscite les ‘‘Jambaar’’ grâce à l’IA

À 34 ans, Dominique Preira, alias Dip Doundou Guiss, s’épanouit bien dans le rap galsen. Par la magie de la technologie, il rouvre une page sanglante de l’histoire : le massacre de Thiaroye. Visionné plus de 1,4 million de fois, le clip, qui accompagne la bande originale du film T44 d’Oumar Diagne, convoque une mémoire refoulée au rythme d’un rap qui vous prend par les tripes

Quand le rap galsen ravive la mémoire
Ce clip est une sorte de saut dans le passé par la magie de la technologie. Grâce à l’intelligence artificielle générative, Dip Doundou Guiss nous plonge dans l’histoire de l’Afrique. Le clip “Jambaar” de Dip Doundou Guiss, mis en ligne le 8 décembre 2024 sur YouTube, est à 1,4 million de vues. Cette histoire, portée par l’intelligence artificielle, raconte ce que trop d’années ont tu : le massacre des tirailleurs sénégalais à Thiaroye, en 1944.

“Jambar”, un trip mémoriel
Réalisé par Hussein Dembel Sow et Papa Oumar Diagne, produit par Jean-Pierre Seck, Jambaar (“guerrier” en wolof) marque une première historique : c’est le premier clip africain entièrement conçu à l’aide d’outils d’intelligence artificielle, dont Runway et Kling IA. Mais derrière cette prouesse technologique, c’est surtout une œuvre de réparation poétique et artistique que propose Dip, en s’attaquant à l’un des silences les plus pesants de l’histoire coloniale française.

“Guerrier vaillant, dans l’arène des braves tu te tiens”
Les paroles, portées par la voix puissante de Dip, résonnent comme une incantation. Aussi, il y a le refrain qui célèbre l’héroïsme des soldats oubliés : ‘‘Tu es le lion qui ne fuit jamais, majestueux roi de la jungle.’’ ‘‘Guerrier intrépide, guerrier vaillant, inébranlable, toujours plus fort.’’ Et dans ses couplets, Dip se fait le griot moderne, le lanceur d’alerte et l’historien des rues sablonneuses de Thiaroye. Il parle des dettes impayées, des trahisons de la République, des blessures profondes laissées par la colonisation : ‘‘Nos cicatrices qui ornent vos médailles/Vos habits de guerre, tachés de notre sang.’’ Ces phrasés percutants rappelle que l’ingratitude coloniale est une plaie encore vive : ‘‘Celui dont le grand-père a versé ton sang n’essuiera pas tes larmes.’’

L’IA pour parler du passé
Généralement, l’IA sert à se projeter dans le futur. Dip, avec l’IA, raconte le parcours captivant, parfois sombre, des tirailleurs sénégalais. Le clip convoque une iconographie hybride, mêlant visages modélisés, décors numériques et silhouettes fantomatiques. Les personnages – Dip Doundou Guiss, Oumar Diaw, Thiek – sont incarnés par des comédiens IA, avatars spectralement réalistes, qui nous plongent dans une atmosphère irréelle, entre mémoire et mythe. Sous l’égide de la direction artistique d’Oumar Diaw et Laura Bui, Jambaar assume une esthétique post-rap, afrofuturiste, proche du cinéma immersif, à la croisée de Black Panther, du spoken word et du devoir de mémoire. Un procédé déjà exploré par le réalisateur américain Dave Clark pour retracer le destin du 320e bataillon afro-américain lors du Débarquement. Mais ici, c’est depuis Dakar, avec une équipe 100 % locale, que se dessine cette révolution du storytelling africain.

Dip Doundou Guiss, figure polymorphe du rap sénégalais
Dip Doundou Guiss est né en mars 1990 à Dakar. Depuis “Beuss Niki Ray” en 2014 jusqu’à “Califat”, Dip a multiplié les succès et s’est imposé comme l’un des plus gros streamers de la scène ouest-africaine. Figure adulée, respectée pour ses punchlines, sa lucidité sociale et sa présence scénique, il est aujourd’hui un rappeur conscient à la croisée des générations, héritier de Positive Black Soul, Daara J, mais aussi des logiques du rap mondialisé à la Burna Boy. Capable de collaborations avec Youssoupha, Lefa, Locko ou Jizzle, Dip déjoue les étiquettes. Il est philosophe, pamphlétaire, griot et technophile. Ses textes, souvent autobiographiques, mêlent ego-trip, fierté panafricaine et profondeur politique. Sa communication léchée sur les réseaux, son sens du visuel et sa maîtrise de la scène font de lui un véritable produit total, comme les grands noms de la scène afro-urbaine mondiale.

Plus qu’un clip : une page d’histoire
“Jambaar”, en plus d’être un hommage, interroge l’histoire, dérange la France et bouscule les textes officiels. Il rappelle que l’histoire coloniale est encore une lutte contemporaine, et que la technologie, si elle est bien utilisée, peut être un instrument d’émancipation narrative. Ayant compris que l’IA, aussi performante soit-elle, ne saurait remplacer les historiens, Dip et son équipe essaient de réanimer le passé pour en faire une matière vivante, politique et esthétique.

Crédit photo : Dip Page facebook

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